Au Maghreb, l'esclavage a été aboli légalement d'abord en Tunisie en 1846, puis en Algérie, colonisée par la France, partiellement en 1848, et enfin au Maroc, sous protectorat français en 1922.
Et pourtant, quand j'ai entendu pour la première fois le mot kahlouche (qui signifie noir en arabe), j'avais 7 ans. C'était dans les années 1960.
Mes parents sont Maghrébins qui ont grandis en Afrique de l'Ouest. Pour les Algériens blancs, nous, les gens de l'oasis, nous sommes considérés comme des gens de couleurs. Les mariages avec des personnes de couleurs sont encore mal vus en Algérie.
La premiére fois que j'ai entendu le mot kahloucha, je me promenais dans un quartier à Alger. Un groupe de jeunes adolescents me suivaient dans la rue et me pointaient du doigt en criant, "Kahloucha, kahloucha, Boney M...." Boney M is a Caribbean vocal group who used to sing disco-pop!
En Algérie, très peu de vedettes de la télévision, de hauts fonctionnaires ou de dirigeants politiques ont la peau foncée comme moi.
Suffit-il d'ôter le mot "race" de la Constitution pour éradiquer le racisme? Est-ce la race qui crée le racisme ou l'inverse?
Adolescente, j'entendais toujours ce mot kahloucha quand j'étais à Alger. Des que je quittais mon oasis, j'entendais ce mot soit à l'aéroport, soit dans les rues d'Alger, soit dans certais cercles familiaux ou la dominance était de peaux blanches.
Je me rappelle un jour, j'ai demandé à mon père pourquoi on m'appelait kahloucha et mon père me répondit, "n'écoute pas ses gens là! ils ne sont pas éduqués!".
Je suis née au Niger, j'ai vécu toute ma vie au Niger, mais on passait chaque été en Algérie pour rendre visite à nos grandparents paternelles et maternelles.
Ce Maghreb qui tourne le dos à l'Afrique, moi, personellement, je ne l'ai jamais compris!
A l'aéroport, quand je voulais prendre l'avion pour revenir à Niamey, le policier me disait, "Ah, to pars en Afrique?", et j'ai toujours voulu répondre, "Mais nous sommes tout les deux sur le continent Africain..." mais quand on a 10 ans, on ne répond pas aux grandes personnes. On a été éduqué comme cela.
Comment le Maghreb de mes ancêtres en est-il venu à rejeter son africanité?
Qu'ils en soient natifs ou non, les Noirs au Maghreb font l'objet d'une déconsidération doublée de discrimination.
En Algérie, le racisme n'est pas une question de valeur morale, mais d'exercise du pouvoir. Un pouvoir qui béneficie à ceux qui jouissent du privilège blanc, qui consiste à avoir des avantages dans la vie juste à cause de sa couleur et non pas par le mérite! Ceux qui en jouissent ne s'en rendent même pas compte car c'est la norme.
J'ai entendu le mot kahloucha chaque été en Algérie! J'ai grandi avec ce racisme insidieux qui s'infiltre tel un gaz dans tout ce qui nous entoure. A la télévision, dans les livres, les personnages positifs étaient blancs.
Il faut mener une lutte contre ces dérives du language: le mot kahloucha n'a pas sa place en Algérie. Certains Algériens oublient qu'ils sont eux-mêmes des Africains!
Au Liban, les noirs sont appelés "abid", ce qui signifie littéralement, esclave.
Nelson Mandéla avait déclaré, "C'est l'Algérie qui a fait de moi un homme libre," lors du premier voyage qui suivi sa libération. Il considérait l'Algérie comme son pays d'adoption. Il aimait à répéter que l'Algérie était sa seconde patrie. Nelson Mandela a été financé et formé par l'Algérie.
Quasiment tous les mouvements indépendantiste Africains ont béneficié des aides financières et militaires de l'Algérie.
Frantz Fanon, revolutionary and philosopher from Martinique who participated in the Algerian liberation struggle was born in 1925. Fanon is known for his work on race and colonialism.
Frantz Fanon said, "When we revolt, it's not for a particular culture, we revolt simply because for a variety of reasons, we can no longer breathe."
Effectivement, le mot kahloucha m'empêchait de respirer pendant les étés que je passait en Algérie!
La définition fanonienne du racisme renouvelle de fond en comble notre perception de cette notion ancienne et ambiguë qui touche toutes les sociétés.
Comment se fait-il que dans un pays, comme l'Algérie, qui a acceuilli Mandela, Fanon, Malcom X, on entend encore des mots racistes comme "kahloucha". ???
Comment peut-on lire en 2020, une campagne anti-migrants connue sous l'hashtag: "Non aux Africains en Algérie" a fait oublier aux Algériens et Algériennes qu'ils sont eux-mêmes africains! Comment se fait-il que les propos haineux de cette campagne ont été largement partagé?????
L'Algérie suit de près ce qui se passe aux Etats-Unis et le mouvement Black lives matter. Mais on est toujours rattrapé par sa propre histoire et on oublie souvent de balayer devant sa porte. Moi, j'ai entendu pendant toute mon enfance et mon adolescence le mot kahloucha. Je n'ai pas passé mes étés aux Etats-Unis; j'ai passé mes étés en Algérie: le pays de mes parents.
Lorsque le racisme est porté par l'Etat lui-même, il gagne en légitimité. C'est pour cela que le nouveau président Abdelmajid Tebboune a demandé à son Premier Ministre Djerad de préparer un projet de loi criminalisant toutes les formes de racisme, de régionalisme et du discours de la haine dans le pays.
Miss Algérie 2019, Khadidja Benhamou, à la peau plus foncée que la plupart des autres candidates, a subi de nombreux commentaires discriminatoires depuis son élection.
Certains commentaires, qui suggéraient de mettre la Miss dans une machine à laver pour la blanchir, étaient révoltants. J'ai grandi avec le même genre de remarques: on m'a toujours dit pendant mon adolescence que le hammam me ferait du bien; après le bain au hammah, je pourais être un peu plus clair! ou bien "Souris! Il faut sourire! tu paraîtrais plus belle et moins foncé!" j'ai grandi avec ses commentaires racistes!
Il faut que l'on arrive à ce que les Algériens acceptent la différence!
Comment l'Algérie qui a acceuilli Frantz Fanon, Nelson Mandela, Malxom X,.... en est-elle venue à rejeter son africanité?
Le racisme que j'ai vécu en Algérie est le plus souvent verbal mais les mots font plus mal que les coups. Avoir la peau mate n'est pas accepté dans Alger la Blanche.
Les kahlouchs algériens sont perçus généralement par l'inconscient collectif comme des citoyens de seconde zone.
Je suis née au Niger et ce qui est vraiment marrant, c'est que au Niger, on m'appelait nassara, ce qui veut dire 'blanche'. Au Niger, j'ai compris qu'il existait un racisme anti-blanc! Les Africains sont-ils des racistes anti-blancs?
Au Niger, on m'appelait nassara (blanche), en Algérie, on m'appelait kahloucha (noire), au Bénin, on m'appelle Yovo (blanche), bref, le racisme existe partout!
Dans un monde secoué par le racisme, ces mots de Muhammad Ali résonnent toujours aussi fort: "Je me suis toujours demandé pourquoi Miss America était toujours blanche. Toute ces belles femmes noires avec une belle peau bronzée, de belles formes, et pourtant...Par contre tout ce qu'il y avait de mauvais était noir. Le vilain petit canard, les chats noirs de mauvais augure, et quand on fait chanter quelqu'un, on le Blackmail."